mercredi 7 décembre 2011

Viens voir la cage dans ma tombe

On a la fâcheuse manie de regarder autour de soi pour vérifier qu'on est bien libre. Le moindre horizon, même relatif, se pose en rempart à l'inquiétude. On n'est pas enfermé donc on est libre. On respire.
Rien de plus faux, pourtant, rien de plus malhonnête que ce raisonnement superficiel où transparaît la hâte de chasser l'angoisse, d'en couvrir le bruit blanc, quand chacun sait au fond que scruter le décor c'est détourner le regard.
Ce que j'enferme en moi m'emprisonne au dehors.
Et plus on peuple de cris, même pas étouffés, jamais poussés, la cage qui attend grande ouverte dans l'ombre de chaque tombe, plus on s'éloigne au jour le jour de ce qu'on est, irréductible, aux moments de vérité.
Sous les gesticulations et parfois les danses il y a une cave et dedans comme une boîte à lettres où s'entassent les preuves d'humanité qu'on s'interdit. Des plaintes, des mises en demeure, des assignations. La dernière est une facture.
À mesure qu'on grandit un puits se forme et puis s'enfonce, vu qu'on mène une vie de nain.
Finalement on meurt en bas du tunnel debout et la cave se referme en tombe. La boîte à lettres a des barreaux. On n'en sortira plus.
Mais avant cela, toute l'existence est une prison centrifuge.
La porte de sortie se trouve au milieu de la pièce. On reste obstinément détenu à l'extérieur de soi, jamais seul, avec le monde gigantesque pour gardien, et sans cesse on se convainc qu'on évite le pire.
À raison, d'ailleurs. La liberté ne se partage pas.